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01
Mars
2023
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Madame, Monsieur, chers clients,
Vous l’avez certainement constaté depuis quelques semaines : vos assureurs se gaussent des belles performances de leurs fonds en euros. Serait-ce le début d’une nouvelle période dorée pour le placement chéri des Français ? Ou constate-t-on là un pis-aller irresponsable ?
Rappelons que le fonds en euros, invention qui n’existe nulle part ailleurs qu’en France, est un placement proposé au sein des contrats d’assurance-vie, qui se présente comme une créance que vous détenez envers l’assureur, ce dernier vous garantissant de pouvoir récupérer votre capital à tout moment sans jamais le voir baisser.
Pour ce faire, l’assureur est libre d’investir l’argent que vous lui confiez comme il le souhaite. Afin d’assurer la garantie contractuelle, il l’investit en majorité dans des obligations d’états : des obligations car elles sont censées être moins risquées que les actions tout en rapportant un peu, et la signature des états qui est réputée être une garantie de solvabilité absolue.
En fin d’année, il décide en fonction de l’évolution constatée de ses obligations en portefeuille - et de sa politique à caresser dans le sens du poil ou non les détenteurs de tel ou tel contrat - de la performance que va vous délivrer votre fonds en euros et qui augmentera votre capital garanti. On perçoit là le côté opaque et pernicieux d’un système arbitraire où c’est l’assureur qui décide a posteriori du rendement de votre placement.
Il faut savoir que les obligations dépendent des taux d’intérêts et présentent deux sources de performance : la variation de leur valorisation et leur rendement (qu’on appelle le coupon). Toute la complexité réside dans ce paradoxe que la valeur des obligations varie à l’inverse de l’évolution des taux.
Durant 30 ans, la baisse des taux a profité aux fonds en euros, la hausse des obligations compensant la baisse de leurs coupons. Ces dernières années, les taux tombés en dessous de 0% ont privé les assureurs de toute perspective de rendement. Seule la revalorisation concomitante des obligations leur a permis de servir un peu de performance et de mettre des réserves de côté pour les années plus compliquées.
Mais l’inflation de 2022 a eu raison de la courbe des taux, qui s’est violement inversée, provoquant un véritable krach des obligations dont les valorisations ont perdu sur l’année 10 à 20%. Perte qu’assument les assureurs en ne les répercutant pas sur le capital détenu à travers les fonds en euros par les épargnants et qu’ils s’engagent en principe à reverser à tout moment en respectant la garantie contractuelle.
Forts de ce constat, les assureurs auraient dû servir en 2022 un rendement très faible pour leurs fonds en euros, de l’ordre de 1% à l’instar des deux années précédentes, amenant les épargnants à se questionner sur l’intérêt de conserver un tel placement quand les livrets réglementaires tels que le livret A affichent un rendement de 3% depuis février, puis probablement 3,5% cet été.
Imaginons un instant qu’il y ait de ce fait des rachats en masse sur les contrats d’assurance-vie. Pour restituer le capital dû aux épargnants, les assureurs n’auraient d’autre choix que de céder les obligations dévalorisées qu’ils détiennent, réalisant une perte colossale (mais qui reste purement virtuelle tant que les obligations ne sont pas cédées). Cela aurait été pour eux une catastrophe… et la mise en œuvre de l’article 49 de la loi Sapin 2, maintes fois évoqué ici, qui leur permet de bloquer votre épargne.
Pour éviter la panique, les assureurs se sont résolus cette année à puiser dans les réserves de rendement qu’ils n’ont pas distribué les années précédentes, afin de délivrer une performance boostée d’environ 1% et de faire bonne figure devant les livrets.
Selon l’ACPR, les réserves des assureurs avoisinaient en moyenne 5% de leurs capitaux gérés fin 2021. Autrement dit une telle opération répétée 2 ou 3 ans risque de mettre en péril les assureurs et de fragiliser le système même de la garantie des fonds en euros. Notons du reste que sur les fonds en euros les plus récents, cette garantie s’exprime hors frais de gestion, c’est-à-dire sur environ 99% du capital détenu chaque année.
Affirmer aux épargnants que les fonds en euros sont un placement totalement sécurisé est un leurre qui ne résistera pas au déferlement de multiples vagues de remontée de taux.
Bien à vous,
Philippe Paris
"Penser sans n'être qu'un penseur"
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