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07
Juin
2023
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2023
Madame, Monsieur, chers clients,
On parle beaucoup depuis fin 2022 de la courbe des taux d’intérêt, et en particulier de l’inversion de cette courbe, évènement rare qui serait annonciateur d’une récession. Tâchons dans cette chronique de donner quelques éléments pour comprendre ce phénomène.
Généralement, plus on emprunte sur une durée longue, plus le taux est élevé. Chacun a déjà connu cette situation en négociant un crédit avec son banquier lorsque ce dernier lui explique que son taux serait plus intéressant s’il réduisait la durée. On comprend que le prêteur augmente le taux pour couvrir le risque de défaut de remboursement sur la durée.
C’est la même chose entre les acteurs financiers de l’économie. A ceci près qu’ils peuvent se prêter de l’argent sur des durées extrêmement courtes (un jour à un an) comme sur des durées de plusieurs années. C’est pourquoi on parle de taux courts et de taux longs et en principe le rapport entre le taux et la durée d’échéance suit une courbe ascendante.
Les taux courts sont essentiellement destinés au financement par les banques centrales des banques commerciales, par exemple pour permettre à ces dernières de déterminer les taux variables auxquels elles vont ensuite prêter aux entreprises ou aux particuliers. Ils dépendent donc de la politique monétaire des banques centrales et sont le reflet du dynamisme économique.
Les taux longs rémunèrent l’argent sur des durées plus importantes. Ce sont les bons du trésor, les obligations d’état ou d’entreprise, que vous retrouvez au sein de vos placements et en particulier des fonds en euros et qui sont en général plus rémunérateurs que les taux courts.
Mais en période inflationniste comme actuellement, les banques centrales augmentent les taux courts pour éviter une surchauffe de l’économie en rendant plus couteux l’accès aux sources de financement. Destinée à canaliser l’ardeur des acteurs économiques les plus prospères, le risque est réel de ralentir toute l’économie et d’engendrer une récession.
C’est en tout cas ce que craignent les investisseurs. En revanche, ils sont convaincus que cela ira mieux sur la durée. Ils privilégient donc les obligations et investissements de long terme. La loi de l’offre et de la demande fait augmenter le prix de ces derniers et, si vous lisez parfois cette chronique, vous savez que le prix des obligations varie à l’inverse de la variation des taux. Si le prix des obligations de long terme augmente, les taux longs baissent…
En outre, on peut aisément concevoir qu’une certaine inertie empêche les taux longs de suivre instantanément la variation des taux courts. Du reste, si les taux longs augmentaient de manière brutale, c’est la valeur même des obligations qui s’écroulerait. Or les fonds de pension, les caisses de retraite ou les fonds en euros de vos contrats d’assurance-vie sont constitués d’obligations de long terme. On imagine sans peine la panique qui s’ensuivrait.
Se dessine alors une configuration où les taux courts sont plus élevés que les taux longs. C’est ce qu’on appelle l’inversion de la courbe des taux, qui devient descendante.
Vous aurez compris qu’on est bien loin d’un phénomène qui arriverait par hasard ou serait orchestré par des décideurs soucieux de fragiliser le système économique, comme pourraient le laisser penser les commentaires de certains médias. Et il n’y a rien d’incantatoire dans cette inversion de la courbe des taux qui annoncerait une récession inattendue.
On suit juste une logique économique inévitable lorsque des taux - longs comme courts - qui viennent de baisser durant 30 ans, inversent leur tendance après être tombés ces dernières années au plus bas, c’est à dire à 0% voir négatifs. C’est un phénomène ponctuel qui marque le début d’une nouvelle ère économique de taux durablement croissants à laquelle il va bien falloir finir par s’habituer.
Bien à vous,
Philippe Paris
"Penser sans n'être qu'un penseur"
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