Achille et la tortue

Madame, Monsieur, chers clients,

Connaissez-vous le paradoxe d’Achille et de la tortue, énoncé par le philosophe grec Zénon d’Elée ? Il nous qu’explique que dans une course entre le héros Achille et une tortue, cette dernière bénéficiant d’une avance, Achille... ne rattrapera jamais la tortue !

Le temps qu’Achille parcourt la distance qui le sépare de la tortue, cette dernière aura parcouru une autre distance. Et le temps qu’Achille parcourt cette nouvelle distance, la tortue à nouveau aura avancé. Et ainsi de suite. Selon cette théorie, jamais Achille ne parviendra au niveau de la tortue...

Je laisse les plus mathématiciens d’entre vous méditer sur ce paradoxe. Mais je constate qu’en économie, il est particulièrement approprié : on s’efforce en permanence d’avancer vers des objectifs qui ne cessent de fuir.

Prenons les taux d’intérêts. Les banques centrales les fixent pour combler l’inflation mais, le temps qu’ils se décident, l’inflation a changé ! De même, l’Etat augmente impôts et taxes pour équilibrer des budgets qui explosent sans arrêt. On finance une dette qui ne cesse de se creuser. On instaure des aides publiques qui ne suffisent jamais. On construit des logements, mais leur pénurie s’accroît. Etc, etc...

Pour les particuliers, même constat : la société de consommation est une fuite sans fin. On veut se mettre à la page en achetant le dernier iPhone ou la dernière Tesla, mais l’objet de nos rêves est déjà obsolète et les futures générations de produits prêtes dans les cartons des constructeurs. On n’a pas encore étrenné nos derniers achats que de nouvelles tentations apparaissent. On encaisse des salaires, que l’on utilise aussitôt pour de nouvelles
dépenses...

Même la gestion de notre protection suit ce paradoxe. On met des agents devant les écoles quand il y a eu un drame, mais le drame suivant est ailleurs. On installe une alarme quand on a été cambriolé et la fois d’après on se fait voler la voiture. Pour nos objets électroniques, on nous propose des antivirus de plus en plus perfectionnés, mais les pirates font preuve d’une imagination sans limite. Ou encore on met au point des vaccins, mais les virus mutent...

Le constat est clair : on raisonne toujours par rapport à un référentiel et on ne sait pas anticiper. C’est humain. L’homme le plus intelligent qui soit réagit en fonction de ce qu’il connait. L’homme... Nul doute que c’est quand l’intelligence s’affranchira du cadre contextuel de l’homme qu’elle sera la plus efficace.

On comprend ici pourquoi l’intelligence artificielle a de beaux jours devant elle. Aujourd’hui, elle repose sur des programmes informatiques améliorés, mais toujours conçus par des humains. Avec toute la subjectivité que cela suppose. Mais des outils comme ChatGPT démontrent des avancés incontestables.

Assurément, l’intelligence artificielle finira par rattraper la tortue. Ne faut-il pas l’accepter comme telle, plutôt que de lui chercher... un talon d’Achille ?

Bien à vous

Philippe Paris 

“Penser sans n'être qu'un penseur” 

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