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06

Novembre

2024

La pensée structurée

Au-delà du débat philosophique suscité par ce titre, il s’agit de s’arrêter sur un placement financier « prometteur » que vous a très certainement proposé récemment votre banquier ou votre assureur : les produits structurés.

Vos interlocuteurs les présentent avec enthousiasme, sous un habillage commercial dithyrambique : « La rentabilité sans le risque », « Le produit idéal pour votre profil sécuritaire », etc. J’ai même lu le rapport d’un banquier argumentant les « excellents retours » sur le produit dans sa préconisation réglementaire.

Il y a une véritable frénésie autour de ces produits. Moi-même je reçois des assureurs pléthore d’incitations à proposer des fonds structurés toujours plus exceptionnels, avec à la clé une commission alléchante. Pourtant je n’ai proposé le moindre produit structuré à aucun de mes clients…

Un produit structuré – ou un fonds structuré - est un instrument financier créé sur mesure qui combine plusieurs actifs (actions, obligations, options, etc.) pour répondre à des objectifs particuliers d'investissement et offre des rendements personnalisés en fonction de scénarios de marché, tout en présentant un niveau de risque spécifique.

Autant dire que c’est un produit extrêmement complexe, impossible à comprendre pour la plupart des épargnants. Du reste les assureurs, bien conscients de l’outrance avec laquelle les produits structurés sont proposés, exigent aujourd’hui des courtiers des avenants contractuels pour reporter sur eux la responsabilité de la distribution.

Il y a quelques années, ces produits s’appelaient « fonds à formule » et encore auparavant « fonds à promesse », termes déjà plus significatifs de ce qu’ils sont en réalité. Aujourd’hui, deux types de fonds structurés sont essentiellement proposés au grand public : les fonds à capital « protégé » et les fonds à capital « garanti », tous deux extrêmement chargés en frais.

Les premiers vous promettent de participer – un peu - aux performances de la bourse si elle est positive, tout en protégeant votre capital à terme si elle n’a pas trop baissé. Mais si la bourse s’est carrément effondrée, vous n’avez que vos yeux pour pleurer. Les seconds vous promettent au pire de récupérer votre capital à une échéance à la discrétion de leurs promoteurs et au mieux de participer – pour une part infime - aux performances des marchés.

Dans un cas comme dans l’autre, sur un contrat d’assurance-vie, la garantie s’entend hors frais de gestion. Ces derniers tournants autour de 1% annuel, c’est à peine 90% de votre investissement qui est protégé ou garanti sur 10 ans.

Bref, vous aurez compris que ces produits sont à coup sûr juteux pour leurs promoteurs, assureurs et courtiers, mais bien moins lucratifs et avec beaucoup plus d’aléas pour les épargnants. Schématiquement, ils sont composés d’une obligation et d’un dérivé d’actif financier. C’est un peu technique, mais retenez qu’en investissant directement sur les actifs sous-jacents, vous auriez plus de performance et surtout beaucoup plus de souplesse.

Car, soyons clair, ces outils sont destinés à rendre captifs les épargnants. Conscients du risque qui pèse sur les fonds en euros avec la remontée des taux, les assureurs cherchent à attirer autrement l’épargne des profils prudents, en évitant d’augmenter leur propre exposition à un risque financier qui pourrait tout simplement entraîner leur faillite.

Et à propos de faillite, c’est là l’un des risques réels de tout produit structuré. Leur promoteur est toujours un unique acteur, en principe une grande banque. Mais quid si cette banque disparait sur la durée de votre « garantie » ? C’est ce qu’on appelle le risque de défaillance, que vous reconnaissez accepter dans les petits alinéas qu’on vous fait signer…

L’autre point d’incertitude des produits structurés concerne la sortie anticipée. La garantie du capital s’entend au terme. Mais si vous avez besoin de votre capital avant - ou plus dramatiquement en cas de dénouement par décès - il n’y a aucune garantie. Gare aux déconvenues si la période est alors défavorable au sous-jacent de votre produit structuré.

A l’orée d’une ère financière compliquée où il va falloir changer nos habitudes, les acteurs du monde financier rivalisent d’ingéniosité pour attirer les épargnants. On pourrait faire ici une liste à la Prévert de tout ce qui est proposé avec force de communication depuis 15 ans pour canaliser l’épargne des particuliers. C’est aujourd’hui le tour des fonds structurés, que personne ne comprend mais qui sont désignés – à tort - comme un investissement idéal.

Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt…


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